Keep calm and… non bis in idem

Concours et cumuls. Le règle ne bis in idem interroge. Encore. Alors que désormais la Cour de cassation la circonvient drastiquement dans le champ de concours de qualifications, la Cour de justice organise les atteintes qui y sont portées en concentrant son contrôle sur les peines cumulées. Il fut un temps, naguère et non jadis, où la maxime latine jouait pourtant en droit pénal économique un rôle quasi hégémonique. Les coups de boutoir qui ont jalonné ses champs d’application au cours des dernières années interrogent. Alors que cette règle de faveur est de nature à tempérer les excès de la répression et les cumuls répressifs, elle fut loin d’emporter la conviction de la majorité de la doctrine. Manquant de rigueur et de prévisibilité, disposant de consécrations incertaines, et venant contrecarrer les intentions (essentiellement fantasmées ?) d’un législateur arcbouté sur l’accumulation punitive (passion française), la règle ne bis in idem semblait parée de tous les vices : dans le champ pénal où le châtiment mérité emporte avec lui sévérité et non bienveillance, ne bis in idem détonne. A coup sûr. Ainsi défendre le principe reviendrait à nier l’essence punitive du droit pénal. L’opposition entre les deux camps s’est avérée stérile, le positionnement de la critique étant en effet partial et partiel si on postule qu’une pensée est nécessairement dans le champ pénal quand elle plébiscite la sanction, et forcément hors-champ quand elle préconise la tempérance. Foucault nous avait en effet prévenus :

« On doit échapper à l’alternative du dehors et du dedans : il faut être aux frontières. La critique, c’est bien l’analyse des limites et la réflexion sur elles ».

C’est ainsi aux frontières du droit pénal économique que l’analyse critique doit poster ses armes de déconstruction. Et pour ce faire, concédons que la règle ne bis in idem fournit de précieuses munitions. En postulant que le droit de punir peut être excessif et qu’il convient de l’enserrer dans des limites raisonnables afin de ne pas faire supporter aux suspects et prévenus une charge démesurée, ne bis in idem rappelle à tout un chacun les mérites de la proportionnalité. Cette quête ne charrie certes pas les mérites de la prévisibilité. Elle emporte en revanche un besoin profond, celui d’un droit qui, maniant la peine avec lucidité et mansuétude, se doit d’interroger ses limites alors que d’autres autorités se tiennent sur le champ de bataille prêtes à entonner le champ des châtiments. Qu’il s’agisse de l’administration fiscale ou encore des autorités de régulation, les parquets français n’avancent pas seuls à l’heure où gronde le son de la bataille. Si on doit cesser de percevoir le citoyen infracteur comme un ennemi alors doit-on sans doute comprendre que ce simple adversaire mérite mesure et justesse donc justice.

NB : la réflexion peut être continuée en consultant le dossier de droit pénal économique publié à la Gazette du Palais en septembre 2022, et portant sur les concours et cumuls…

Nicolas Catelan Droit pénal des affaires, Ne bis in idem, Varia

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *