Secret et justice pénale : histoire d’une révolution symbolique

Les vertus de la recherche, car il doit bien y en avoir, doivent être placées de ce côté : nous autres enseignants chercheurs en droit devons être en mesure de livrer des clés de lectures susceptibles d’éclairer la relation tumultueuse entre droit et savoir, et in fine le type de société dans lequel on vit. Si on adhère à l’idée que le droit fait la société, il faut, comme le disait Bourdieu, également accepter que la société fait le droit

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Existe-t-il une personnalité juridique propre au droit pénal ?

Le droit pénal s’intéresse de près à la personnalité juridique et à ses vecteurs, les personnes : qu’il s’agisse d’en faire une condition de la protection pénale ou de l’action publique, la personnalité joue clairement un rôle fondamental. Demeure la question posée par l’organisateur de ce beau colloque : la personnalité juridique à laquelle nous faisons allusion est-elle propre au droit pénal ?

Inutile de maintenir le suspense : la réponse semble négative.

L’autonomie est en effet évincée quand on songe au sort réservé aux enfants à naître. La personnalité juridique à laquelle recourt la Cour de cassation pour résoudre la problématique de l’existence juridique en droit pénal est indiscutablement celle que l’on retrouve classiquement en droit civil. Les solutions dégagées en matière de fusion absorption participent également d’une souscription sans nuance à la personnalité juridique développée en droit civil.

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Le gilet et la robe

On ne sait trop à l’heure où l’encre virtuelle noircit la page de cet édito si la suppression de l’Ecole nationale de la magistrature relève de la rumeur ou d’un véritable projet politique. Que cette information soit vraie ou fausse, que la presse soit oracle ou parrèsiaste, on peut d’ores-et-déjà s’interroger quant au lien pouvant exister entre une école républicaine et un Grand débat. Puisque cette disputatio monologique trouve son origine dans le mouvement contestataire des Gilets jaunes, il est possible d’aller encore plus loin et de sonder la relation pouvant être tissée entre une école de service public et une contestation populaire.

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Thrène pour une peine

Le droit pénal se meurt. Vive le droit pénal.
Difficilement capable de penser la peine en dehors de la prison, alors que ses effets désastreux ont maintes fois été démontrés, le droit pénal est entré dans une longue agonie.
Intervenant toujours plus tôt sur l’iter criminis terroriste, il se transforme peu à peu en un rêve positiviste italien où l’état dangereux se substitue lentement mais sûrement à l’infraction classique.
Abandonnant toujours plus de territoire à l’autorité administrative, malgré des libertés individuelles en jeu et au nom d’une lecture restreinte de l’article 66 de la Constitution, le droit pénal en est arrivé à traiter, essentiellement à la chaîne, des délits en comparution immédiate comme un logisticien gère des flux.

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Le contrôle de proportionnalité et le droit pénal

S’il n’est pas en réalité véritablement nouveau, le contrôle des effets d’une application de la loi à la lumière d’un droit fondamental peut apparaître telle une évolution inquiétante en droit pénal. Fortement marquée par le principe de légalité, la matière pénale est en effet emplie de prévisibilité. Déroger à la loi sous prétexte que ses effets sont disproportionnés semble aller à l’encontre de la volonté nationale exprimée par le Parlement au travers de la loi, et porter atteinte aux légitimes attentes de tous les intervenants au procès pénal.

Néanmoins, une telle lecture ne permet pas de saisir avec certitude toutes les incidences que le contrôle de proportionnalité est à même de révéler. A dire vrai, il semble possible de soutenir une opinion inverse. La proportionnalité est sans doute la manifestation rassurante d’une révolution de la matière pénale

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Les intérêts de la déjudiciarisation en matière pénale

La déjudiciarisation en matière pénale apparaît telle un symbole et un symptôme. Au regard des chiffres, la déjudiciarisation est économiquement une solution rentable, elle est donc symbole d’efficacité. Le droit français connaît un nombre incroyablement grand d’infractions (plus de 16 000). Les procureurs et juges sont fort peu nombreux. Alors que la moyenne européenne est de 25,1 magistrats pour 100 000 habitants, la France affiche un modeste 10,4, Monaco culminant à 98,5. Quant aux procureurs, la France en compte 2,9 pour 100 000 habitants pour une moyenne à 11,7 ! La France se classe ici avant-dernière ; seule l’Irlande fait « pire » avec un modeste 2,2. Les procureurs sont destinataires d’un très grand nombre de plaintes. Les parquets français reçoivent en moyenne pour 100 000 habitants 7,45 affaires, ce qui est nettement supérieur à la moyenne européenne (3,14)[2].
N’importe quel étudiant en logistique, ou en ingénierie des fluides pourrait vous expliquer que lorsqu’un flux arrive en trop grande quantité dans un tuyau, il faut créer des dérivations pour soulager les points de tension (si l’on ne peut calmer le flux ex ante).

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Aria (con) da capo : variations pénales et administratives sur le thème de la sanction

Les variations autour du thème de la sanction en mode administratif / pénal permettent peut-être d’opérer une révolution : on peut isoler un thème cyclique sujet à des variations. Les instruments de la sanction jouent un air qui va progressivement varier :  la mélodie demeure, mais le rythme s’accélère : il s’agit d’une ritournelle, sourde et profonde. Une basse qui ronronne puis qui s’emballe : ce sont les canons du châtiment ! Le thème évolue, manque très souvent d’harmonie car ces canons de la sanction administrative et de la sanction pénale peinent finalement à jouer dans le même rythme. Mais les châtiments demeurent, reviennent en boucle.

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Les ambivalentes modernités de la pensée juridique de Beccaria

L’étude de la modernité de la pensée de Beccaria poursuit une double dynamique.

Il s’agit dans un premier temps de tenter d’appréhender la pensée de Beccaria à travers le prisme d’une pensée juridique prédéfinie : déterminer en quoi la pensée de Beccaria a été, ou non, influencée par la pensée juridique de son époque, les Temps modernes. L’influence de cette modernité est alors intensive (de l’extérieur vers l’intérieur) en ce qu’elle appréhende un phénomène externe à la pensée de Beccaria, la pensée juridique moderne (qui a vu naître le positivisme juridique au détriment de la pensée juridique classique représentée par Aristote et Saint Thomas d’Aquin), pour tenter d’y inscrire la doctrine du Milanais.

Dans un second temps, l’influence moderne se voudra extensive (de l’intérieur vers l’extérieur) en ce que l’étude essaiera de tisser des liens entre les thèses de Beccaria et la matière pénale moderne, actuelle.

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