Existe-t-il une personnalité juridique propre au droit pénal ?

Colloque « Faut-il regénéraliser le droit pénal ? »

6-7 nov. 2014, Faculté de droit de Tours

 

 

Avant de commencer, permettez-moi tout d’abord de remercier et de féliciter l’organisateur de ce colloque. Remercier tout d’abord le Dr Guillaume Beaussonie pour son invitation et surtout pour son accueil. Féliciter car il s’agit incontestablement d’un beau colloque qui pose des questions comme on n’en pose plus en droit pénal à l’heure où il semble normal de multiplier à l’envi les droits spécifiques… mais on le verra les solutions pour généraliser le droit pénal se trouvent peut-être dans ces droits répressifs spécifiques.

En ce qui me concerne, j’ai donc choisi sur proposition du responsable scientifique de traiter la question relative à l’existence d’une personnalité juridique propre au droit pénal. Cette question s’inscrit bien évidemment dans la logique de ce colloque qui désire interroger l’autonomie plus ou moins avérée du droit pénal. Or existe-t-il un concept plus civiliste que la personnalité juridique ? Il serait controuvé de soutenir que cette thématique intéresse exclusivement le droit civil, le droit commercial par exemple s’y intéresse activement à travers la dynamique des sociétés commerciales de l’entreprise ou encore au moyen de la reprise des actes accomplis par les fondateurs d’une société commerciale. Mais force est de constater que nos sommes bien là face à un vrai concept de droit civil.

Le droit pénal s’y est également intéressé.

Ce thème de la personnalité a bien évidemment été abordé lors de la discussion du code pénal lorsqu’il s’est agi de consacrer la responsabilité pénale des personnes morales. Le fait que, selon la Cour de cassation, l’action publique soit éteinte en cas de fusion absorption participe également d’une réflexion sur la personnalité juridique en droit pénal. La question relative à l’homicide involontaire sur l’embryon a également posé à nouveau la question de la personnalité juridique. L’existence même au sein du code pénal de textes protégeant les embryons quant au commerce et aux expériences permet également d’interroger la personnalité juridique. De manière plus large, le fait que le code pénal protège à côté des personnes, les biens, les animaux (êtres doués de sensibilité ?) ou encore l’environnement, invite à s’interroger sur la personnalité juridique.

De manière encore plus précise, il n’est pas inutile d’observer que le Code pénal contient une section intitulée « Des atteintes à la personnalité ». L’on y retrouve pèle mêle les atteintes à la vie privée, à la représentation de la personne, la dénonciation calomnieuse, les attentes au secret professionnel et des correspondances, aux droits résultant des fichiers ou traitements informatiques et résultat de l’examen des caractéristiques génétiques ou de l’identification par ses empreintes génétiques.

Surtout, le Code comprend un livre entier consacré, non seulement à la personnalité, mais à la protection de la personne… tout court. C’est dire que pour le législateur, il était utile de distinguer personne et personnalité (sans doute car elles ne sont pas en tous points identiques…).

Il est donc clair que le droit pénal s’intéresse de près à la personnalité juridique et à ses vecteurs, les personnes : qu’il s’agisse d’en faire une condition de la protection pénale ou de l’action publique, la personnalité joue clairement un rôle fondamental. Demeure la question posée par l’organisateur de ce beau colloque : la personnalité juridique à laquelle nous faisons allusion est-elle propre au droit pénal ?

Inutile de maintenir le suspense : la réponse semble négative.

L’autonomie est en effet évincée quand on songe au sort réservé aux enfants à naître. La personnalité juridique à laquelle recourt la Cour de cassation pour résoudre la problématique de l’existence juridique en droit pénal est indiscutablement celle que l’on retrouve classiquement en droit civil. Les solutions dégagées en matière de fusion absorption participent également d’une souscription sans nuance à la personnalité juridique développée en droit civil.

Thèse. Cette tutelle du droit civil (I) que certains ont pu louer par ailleurs[1] n’en demeure pas moins critiquable, non car le droit pénal doit s’affranchir par principe du droit civil – ce qui serait une position de principe puérile – mais bien car les résultats auxquels elle parvient sont inefficients. C’est la raison pour laquelle il semble possible de plaider pour une véritable émancipation du droit pénal (II) dans l’appréhension des sujets de droit. Il est temps que le droit pénal admette que la personnalité juridique n’est pas une condition de sa mise en œuvre.

I – La tutelle du droit civil (quant à la personnalité)

De la personnalité à la personne. Les différentes variations pouvant s’opérer, dans le domaine juridique, autour des concepts de personne humaine et de personne juridique témoignent de l’incapacité du système juridique à appréhender des êtres n’entrant pas dans les carcans de la personnalité juridique. Dans la mesure où le droit se garde volontiers de définir le point de départ de la personnalité juridique, seule la doctrine s’est tentée à définir la personne[2]. L’absence de définition normative et le renvoi à plusieurs concepts (personne juridique, personne humaine et être humain) emportent inexorablement un flou sémantique. Nonobstant l’important enjeu[3] qui se dessine derrière de telles définitions, le droit semble donc prendre le parti de ne pas se prononcer ou, à tout le moins, semble se contenter de notions confuses parfois contradictoires[4].

Plan. Or, de nombreuses problématiques ont été résolues en droit pénal en ayant recours à la personnalité juridique du droit civil. Cet emprunt assumé (A) n’est pas sans soulever des interrogations légitimes (B) tant en ce qui concerne les auteurs d’infraction (problématique de la disparition de la personnalité morale) que les victimes à travers la qualification d’autrui selon l’article 221-6 du code pénal.

A – L’emprunt

Chez les civilistes, la personnalité relève d’un consensus et d’une controverse…. Bref d’un unanime désaccord !

Définition de la personnalité : consensus. La doctrine semble ici partager une vision commune de la définition de la personnalité et de la nécessité de la reconnaître aux membres de l’espèce humaine. Ainsi, on peut lire que « la personnalité juridique est l’aptitude reconnue aux êtres humains, à eux seuls […] mais à eux tous de devenir titulaires de droits »[5]. De manière assez proche, l’on peut soutenir que « la personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire actif et passif de droits que le droit objectif reconnaît à chacun. Ces droits ainsi reconnus sont les droits subjectifs »[6]. Il s’agit d’une aptitude « à être titulaire actif et passif de droits et à être protégé comme sujet de droit, tel est le sort de l’être doté de la personnalité juridique. D’une certaine manière, il se réalise de la sorte un passage obligé de l’essence à l’existence dans l’ordre juridique »[7]. En outre, pour M. Terré et Mme Fenouillet, « on peut considérer que la reconnaissance de la personnalité juridique ne saurait être déniée, dans une civilisation digne de ce nom, à l’être humain qui par nature a vocation à être traité comme une personne »[8]. Pareillement, pour M. le professeur Larroumet, « dans tous les systèmes juridiques évolués, l’individu, en principe du seul fait qu’il existe, se voit reconnaître la personnalité juridique, c’est-à-dire l’aptitude à être sujet de droit »[9]. Il en conclut qu’il « faut poser en principe que tout individu, dès lors qu’il existe, jouit de la personnalité juridique dans un système qui ignore l’esclavage »[10].

Acquisition de la personnalité : controverse. La réponse classique consiste à soutenir que « c’est à la naissance que l’être humain est doté de la personnalité juridique »[11] (Terré et Fenouillet) : « aujourd’hui, tout être humain a la personnalité, à condition qu’il soit né viable »[12]. Pour justifier cette théorie, les auteurs prennent souvent appui sur l’article 318 du code civil qui dispose : « aucune action n’est reçue quant à la filiation d’un enfant qui n’est pas né viable »[13]. Plus exactement, l’on soutient que « l’enfant reçoit la personnalité dès sa naissance, ou même dès sa conception, à condition qu’il naisse vivant et viable »[14] [15]. En effet, « il a même aptitude à recueillir des droits dès sa conception par application de l’adage infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur »[16]. Il ne semble pas inutile de préciser que la Cour de cassation a affirmé en 1985 qu’il s’agit d’un principe général du droit[17].

Sont alors visés les articles 725 et 906 du code civil qui disposent respectivement :

« Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable » ;

« Pour être capable de recevoir entre vifs, il suffit d’être conçu au moment de la donation.

(Al. 2) Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d’être conçu à l’époque du décès du testateur.

 (Al. 3) Néanmoins la donation ou le testament n’auront leur effet qu’autant que l’enfant sera né viable ».

Pour la loi elle-même, l’existence ne s’infère pas de la relation mais de la naissance en vie et viable.

Sur la base de textes régissant le commerce juridique, il semble possible de soutenir que pour pouvoir alimenter son patrimoine, il faut être né, ou être conçu et, par la suite, naître vivant et viable.

Dès le commencement de la vie. Cette perspective semble pouvoir être contredite par l’article 16 du code civil aux termes duquel : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ». L’on sait qu’il s’agit d’une reformulation du premier article de la loi du 17 janvier 1975 aux termes duquel : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi ». Ajoutons à cela que concernant l’acte de déclaration d’enfant sans vie, par trois arrêts en date du 6 février 2008[18], la Cour de cassation a affirmé que l’article 79-1, alinéa 2, du code civil ne subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse

Amenée à se prononcer sur la qualification de l’atteinte involontaire à la vie d’un enfant à naître, il semble clair que la Cour de cassation a opté pour l’acception la plus restrictive de la personne : une personne physique dotée de la personnalité juridique.

Homicide involontaire et enfant à naître. Nonobstant une privatisation rampante[19], le système répressif n’est pas, en principe, lié à l’existence corrélative de la violation d’un droit subjectif. L’action publique n’est pas, sauf exceptions[20], conditionnée par l’action civile : le procès pénal peut parfaitement s’entendre sans que la victime ne greffe une action en vue de la réparation de son préjudice[21]. Se démarquant, dans ses principes, du commerce juridique, l’on pouvait légitimement attendre du droit pénal, qu’il interprète une incrimination telle que l’homicide involontaire, non au regard de la personnalité juridique, mais davantage à l’aune de l’interdit érigé, de la valeur protégée, la victime n’en étant que le réceptacle. La relation entre la valeur protégée, incarnée par la victime, et l’auteur de l’infraction aurait dû cristalliser le nœud du litige. Les entités auraient alors pu être définies de manière dynamique à l’aune de la relation, et non de manière statique à l’aide d’une personnalité juridique prédéfinie par le commerce juridique. Or, ce ne fut pas l’option retenue par la Cour de cassation. En exigeant clairement la naissance pour que la répression de l’homicide involontaire puisse être actionnée, la haute juridiction a clairement pris le parti d’exiger la personnalité juridique de la victime, à défaut de textes particuliers concernant l’embryon et le fœtus.

Varia. A la question, cette fois-ci, de savoir si l’enfant à naître peut être la victime d’un homicide involontaire au sens de l’ancien article 319 du code pénal et de l’actuel article 221-6, la jurisprudence n’a pas su toujours donner une réponse univoque. Dans la mesure où le texte d’incrimination réprime le fait d’avoir « causé la mort d’autrui », l’interrogation relative au destinataire de cette protection paraît logique tant le droit ne définit pas autrui. Néanmoins, l’idée que le terme « autrui » renvoie à « l’autre personne » va de soi. L’article 221-6 se situe en effet dans le livre deuxième « Des crimes et délits contre les personnes », titre deuxième « Des atteintes à la personne humaine » et un chapitre premier « Des atteintes à la vie de la personne ». Or, la problématique relative à la notion de personne n’est pas réellement nouvelle en droit[22]. Il en résulte que, pendant longtemps, en l’absence de réponse claire de la Cour de cassation sur la question, les juges du fond ont hésité entre la conception civiliste classique de la notion de personne et une complète protection de la vie humaine.

L’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 13 mars 1997. La décision rendue par cette cour[23] est topique tant au regard des faits de l’espèce qu’à l’aune de sa postérité : elle constituera l’occasion pour la Cour de cassation d’égrener sa jurisprudence défavorable à l’enfant à naître. A la suite d’une interversion des dossiers de patientes vietnamiennes portant le même nom et venues consulter le même jour, un gynécologue de l’Hôtel-Dieu de Lyon, crut devoir ôter le stérilet de Mme Thi-Nho Vo, en fait enceinte de cinq mois et qui venait pour une échographie. Le geste entraîna la rupture de la poche des eaux, rendant nécessaire l’expulsion du fœtus âgé de vingt à vingt-quatre semaines, provoquant sa mort. Ne pouvant communiquer avec la patiente qui ne parlait pas français, le médecin s’était appuyé sur ledit dossier médical sans pratiquer d’examen clinique, ce qui aurait permis de constater la grossesse.

La cour de Lyon avait retenu contre le médecin la prévention d’homicide involontaire sur le fœtus en se fondant sur :

  • l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme,
  • l’article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques, l’article 6 de la Convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990, reconnaissant l’existence, pour toute personne, et notamment l’enfant, d’un droit à la vie protégé par la loi,

– l’article 1er de la loi du 17 janvier 1975[24]

– l’article 16 du code civil[25].

La cour énonça, par la suite, que sous réserve des dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse et de celles relatives à l’avortement thérapeutique, la loi consacre le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu’il soit exigé que l’enfant naisse viable, du moment qu’il était en vie lors de l’atteinte qui lui a été portée. La juridiction lyonnaise ajouta que la viabilité était une notion scientifiquement incertaine et dépourvue de portée juridique et que l’imprudence ou négligence du médecin avait causé la mort d’un fœtus âgé de 20 à 24 semaines en parfaite santé. Son arrêt fut cassé sans renvoi, le 30 juin 1999 par la chambre criminelle puisque, en vertu du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale posé par l’article 111-4 du code pénal, les faits reprochés « n’entraient pas dans les prévisions des articles 319 ancien et 221-6 du code pénal »[26]. Il s’agit de la première pierre dans l’édification par la Cour de cassation d’une jurisprudence visant à exclure l’embryon des prévisions de l’infraction d’homicide involontaire si la mort survient avant la naissance. Toutefois, bien que l’on ait tendance à présenter cet arrêt comme le premier rendu par la Cour de cassation au sujet de l’homicide involontaire in utero, il apparaît que la Cour avait déjà eu l’occasion de trancher ce type de litige, et ce en un sens contraire.

Précédent. La question de savoir si le fait de tuer accidentellement in utero un enfant est constitutif d’un homicide involontaire fut tranchée dans un sens positif par la Cour de cassation le 19 août 1997[27]. En l’espèce, dans le cadre, une fois de plus, d’un dramatique accouchement, un gynécologue-obstétricien fut condamné pour double homicide involontaire sur une parturiente et son enfant à naître. La Cour de cassation rejeta le pourvoi du médecin[28]. Le fait que l’enfant soit bel et bien mort in utero ne fait pas de doute dans la décision d’appel[29]. Ainsi, alors que la mort de l’enfant survint in utero, la Cour de cassation ne reproche pas aux juges du fond d’avoir retenu le médecin dans les liens de la prévention. Ici, le principe de légalité et son corollaire, l’interprétation stricte, qui ne furent certes pas soulevés dans les moyens du pourvoi, ne sont pas relevés d’office par la haute juridiction. Un enfant à naître décédant in utero peut donc être la victime d’un homicide involontaire.

Depuis, la perspective de la Cour a considérablement évolué.

Le voile levé par l’assemblée plénière : l’exclusion générale de la prévention et le renvoi aux textes spéciaux.Lors d’un accident de la circulation provoqué par un conducteur sous l’emprise d’un état alcoolique, une jeune femme enceinte de six mois fut sévèrement blessée de sorte que qu’elle accouchât prématurément, quatre jours plus tard, d’un enfant mort-né. Alors que le tribunal correctionnel de Metz condamna le chauffard pour blessures involontaires sur la mère et homicide involontaire sur l’enfant à naître, la cour d’appel de Metz infirma la condamnation pour homicide motif pris que « l’enfant mort-né n’est pas protégé pénalement au titre des infractions concernant les personnes ; […] en effet, pour qu’il y ait personne, il faut qu’il y ait un être vivant, c’est-à-dire venu au monde et non encore décédé, et donc […] il ne peut y avoir homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré »[30]. Le procureur général près la cour d’appel de Metz se pourvut en cassation en raison d’une violation de l’article 221-6 du code pénal.

Sur rapport conforme du conseiller rapporteur et conclusions contraires de l’avocat général[31], l’assemblée plénière de la Cour de cassation rejeta le pourvoi : « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du code pénal, réprimant l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus » ; il en résulte que « l’arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen »[32].   Après avoir tergiversé quant à la référence aux textes spéciaux[33], la chambre criminelle a fini par consacrer la positon de l’assemblée plénière en 2006[34]. A l’inverse, si les blessures sont occasionnées in utero, elles peuvent être réprimées sur le fondement de l’homicide involontaire si la mort survient ex utero[35]. A défaut de mort, la répression des blessures involontaires est possible[36].

Ce faisant, la Cour semble adhérer à la théorie développée notamment par Terré et Zenatti selon lesquels l’enfant à naître n’est qu’un pars viscerum matris. Dès la naissance, s’il est vivant, il bascule dans le camp des victimes potentielles d’un homicide involontaire. C’est bien la personnalité du commerce juridique véhiculée par 725 et 906 du Code civil qui est ici consacrée.

Il n’est de salut à rechercher du côté de la Cour européenne des droits de l’homme puisque les faits ayant concerné Mme Vo ont fait l’objet d’une requête devant la juridiction strasbourgeoise[37] sur le fondement de l’article 2 CESDH. Dans sa décision, la Cour, en raison de l’absence de consensus sur le point de départ de la protection du droit à la vie, en finit par conclure que cette question doit relever de la marge d’appréciation des Etats. Elle affirme alors qu’il n’est ni possible ni souhaitable de répondre à la question de savoir si l’enfant à naître doit être protégé par l’article 2 CESDH. Par prétérition, elle affirme par ailleurs que si tel avait été le cas, le recours en indemnisation devant la juridiction administrative suffisait à ce que l’article 2 ne soit pas violé. Ce qui laisse songeur…

Extension. Ce recours à l’acception restrictive de la personne par le truisme de la personnalité juridique se confirme au regard des personnes morales. Le législateur ayant consacré à l’article 121-2 du code pénal la responsabilité des entités dotées de la personnalité juridique (et encore pas toutes puisque l’Etat n’engage pas sa responsabilité pénale) : « C’est là, on ne l’ignore point, une différence majeure avec les avant-projets de 1976 et de 1978 qui envisageaient la responsabilité pénale des groupements sans autre exigence pour le second et autorisaient ainsi des poursuites aussi bien à l’égard des groupements dotés de la personnalité juridique qu’à l’égard de ceux qui en étaient privés »[38]. Telle est d’ailleurs la solution admise par la chambre criminelle de la Cour de cassation à propos des sociétés en participation – privées de la personnalité morale selon les termes de l’article 1871 du Code civil – dont l’impunité est désormais acquise[39], « principe de solution qu’il convient d’admettre, sans nul doute possible, en présence des sociétés créées de fait »[40].

À deux reprises, en effet et ce, sous le visa de l’article 121-1 du Code pénal, la Haute juridiction a censuré les juges du fond qui avaient cru possible de retenir dans les liens de la prévention la société absorbante à raison de l’infraction commise pour le compte de la société absorbée, motifs pris tantôt, de la substitution de la société absorbante à la société absorbée avec transmission universelle de ses droits, biens et obligations[41], tantôt de la continuation par la société absorbante de la personnalité juridique de la société absorbée[42].

B – L’incohérence

Fraude ? Pour les personnes morales, il n’est pas utile d’avoir recours à une longue démonstration pour se convaincre de l’incohérence à laquelle conduit une lecture exégétique de l’article 121-2 : le professeur Segonds a parfaitement démontré que se priver de l’exception de la fraude à la loi revenait à offrir un blanc-seing aux différents auteurs de montages juridiques[43]. L’incohérence pourrait toutefois disparaître si l’on songe à la possibilité de poursuivre pour blanchiment, recel ou encore complicité d’organisation frauduleuse d’insolvabilité ou banqueroute. D’autres exemples permettent de se convaincre que le recours à la personnalité juridique pour déclencher la protection du droit pénal apparaît disproportionné et peut-être pas nécessaire.

Homicide sur cadavre ? Dans le célèbre arrêt Perdereau (Crim. 16 janv. 1986) la Cour de cassation procède à l’assimilation infraction impossible/ infraction manquée quant à l’hypothèse emblématique du meurtre d’un cadavre : la décision de la chambre criminelle approuve la condamnation d’un individu, qui s’était rendu sur les lieux d’une rixe pour en achever une victime dont il ignorait qu’elle était décédée.

Elle considéra qu’« il n’importe, pour que soit caractérisée la tentative d’homicide volontaire, que la victime fût déjà décédée, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l’auteur et lesdites violences caractérisant un commencement d’exécution »[44]. Le fait qu’un mort soit protégé par le droit ne saurait surprendre. Le code civil rappelle en son article 16-1-1 que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Cette disposition créée par la loi du 19 décembre 2008 consacre ce que le droit pénal a toujours su ou presque, en témoignent notamment les infractions en matière de profanation de sépulture ou de monument aux mort au nom de la paix des morts. Ce qui étonne dans l’arrêt « Perdereau » tient au fait que l’on étend un texte protégeant la vie au bénéfice d’un individu mort. Même par le détour de la tentative, l’« autrui » visé par le texte n’est plus.. et ne pourra plus être.

Au demeurant, le droit pénal, le plus souvent, ne fait pas de la personnalité juridique la condition d’une protection pénale. Le fait qu’il existe une action intentée au nom du peuple français afin de se prononcer sur le bien fondé de la présomption d’innocence et confiée par priorité à un magistrat (action publique) aide à dépasser la personnalité juridique puisque la capacité d’exercice n’est pas un problème en droit pénal. En attestent les protections (sans être exhaustif) : de l’humanité, de l’espèce humaine, des animaux, de l’environnement…

Les animaux et « leur descendance ». A l’heure où le législateur s’apprête à redéfinir les animaux dans le code civil – tels des êtres doués de sensibilité – sans en modifier le régime juridique (ils demeurent des meubles), et tout en précisant que le code rural contient déjà une telle acception[45], peut-être faut-il s’interroger sur la raison pour laquelle le droit pénal incrimine les sévices graves sur animaux. A la question de savoir s’il faut être une personne pour bénéficier de la protection pénale, le droit répond donc par la négative. L’article R. 655-1 du code pénal[46] dispose : « Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe ». En cas de sévices graves sur animaux, l’auteur des faits encourt au sens de l’article 521-1 deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Mieux, l’article R. 655-1 du code pénal punit d’une amende de la 3èmeclasse « le fait par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, d’occasionner la mort ou la blessure d’un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ».

L’article L. 415-3 du code de l’environnement punit « de six mois d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende :

1° Le fait, en violation des interdictions prévues par les dispositions de l’article L. 411-1et par les règlements pris en application de l’article L. 411-2 :

  1. a) De porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques, à l’exception des perturbations intentionnelles ;
  2. b) De porter atteinte à la conservation d’espèces végétales non cultivées ;
  3. c) De détruire des sites contenant des fossiles permettant d’étudier l’histoire du monde vivant ainsi que les premières activités humaines, de détruire ou d’enlever des fossiles présents sur ces sites ».
  4. l’avocat général Sainte-Rose remarquait alors : « l’animal à naître est pénalement protégé ! Contrarier par mégarde le «projet parental» d’un crapaud vert, d’une pie grièche, d’une couleuvre vipérine ou d’un papillon vitrail, pour ne citer que ceux-là, est passible de six mois d’emprisonnement tandis que causer la mort d’un fœtus, serait-il sur le point de naître et quelle que soit la gravité de la faute commise, relève tout au plus du droit commun de la responsabilité civile »[47].

Peut-on dès lors, comme le fait la Cour de cassation, imaginer que le législateur ait voulu écarter l’enfant à naître des prévisions des incriminations générales alors qu’il sanctionne les atteintes volontaires et involontaires aux animaux, à leurs œufs et aux végétaux ? Le texte de l’article 221-6 ne fait pas de différence entre l’être humain né et l’enfant in utero ; en outre, on ne retrouve pas dans les travaux préparatoires une telle intention chez le législateur[48]. La maxime « ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus », devrait conduire à la conclusion que l’enfant à naître est protégé par la loi pénale réprimant l’homicide involontaire. Il est clair que la non-pénalisation des atteintes à la vie de l’enfant à naître ne réside pas dans la ratio legis mais dans les décisions des juges « qui réalisent un véritable exploit : pour la première fois en effet dans notre ordre juridique, l’être humain en gestation prend place après l’animal et la progéniture de celui-ci »[49].

L’humanité. A travers des incriminations contenues dans le code pénal et considérées comme les plus graves puisque certaines sont d’ailleurs imprescriptibles, l’humanité est également protégée par le Code pénal. Il semble évident que le crime contre l’humanité révèle une dimension collective puisqu’il vise les « populations civiles », les « groupes » à l’intérieur desquels on rabaisse l’individu pour mieux justifier son extermination[50]. Comme l’observe M. le professeur Alain Sériaux, « à travers le groupe, l’humanité comparaît comme une victime sur la scène juridique » : « le groupe victime l’est en tant que fraction d’une humanité prise comme entité et non plus seulement comme essence »[51]. Si l’assimilation du clonage reproductif au crime contre l’humanité peut paraître séduisante, force est de constater que les agissements incriminés ne sont pas comparables au regard des résultats redoutés. Si dans un cas, l’on tend à protéger l’intégrité de l’espèce en empêchant la conception d’une personne identique à une autre, dans l’autre, il s’agit de prévenir l’anéantissement même de la personne à travers le groupe auquel elle est rattachée[52]. L’espèce humaine s’apparente davantage à l’identité génétique de l’humanité qu’à l’humanité elle-même : « si l’humanité renvoie à une réalité tangible – l’ensemble des hommes – il n’en va pas de même de l’espèce humaine qui n’est qu’une catégorie des sciences naturelles que le législateur a utilisée comme pis-aller pour désigner le « patrimoine » génétique humain »[53].

Pareillement, l’idée que le clonage entraîne nécessairement la création d’une personne génétiquement identique est fausse au regard de la méthode actuellement mise en œuvre[54]. Demeure toutefois l’idée qu’à travers la protection de l’espèce humaine, le législateur a voulu protéger le groupe génétiquement identifié, l’humanité. Ces différents exemples attestent que la personnalité juridique ne conditionne pas de nombreuses incriminations en droit pénal positif.

La tutelle civile quant à la protection de la personne et en ce qui concerne les entités pouvant être poursuivies n’a dès lors peut-être plus lieu d’être.

II – L’émancipation du droit pénal (quant à la personne)

Puisque le droit pénal est avant tout un questionnement sur la responsabilité, il ne semble pas inopportun de poser la question en ces termes : la victime civile est-elle nécessairement une victime pénale, et inversement ? Si le droit civil à travers la personnalité raisonne essentiellement en termes de capacité, le droit pénal à travers la victime, raisonne exclusivement ou presque en termes de destinataire.

Ce faisant, le droit pénal est à même de s’approprier la notion de personne pour la dégager de la personnalité (A). Il semble même possible, à l’instar d’autres disciplines juridiques proches du droit pénal, de dépasser la personnalité (B) pour mieux aborder les groupements dépourvus de la personnalité juridique mais pouvant être liés à la commission d’une infraction.

A – L’appropriation

La personne-sujet. Il s’agit ici de distinguer la personne et la personnalité juridique.  L’idée est simple : il faudrait parvenir à développer la notion de personne en dépit de la personnalité juridique. Il ne s’agirait pas de se demander si tel être a vocation, par universalité, à être le destinataire des normes pénales, à en disposer et à en jouir. La question ne revient pas à se demander qui peut invoquer le texte (capacité d’exercice) mais qui est concerné par ledit texte (destinataire). En effet, ce n’est pas parce qu’une entité ne peut invoquer un texte que pour autant elle n’est pas protégée : ainsi en est-il des animaux ne disposant d’aucune capacité mais faisant l’objet de protections juridiques. Le problème va ainsi être de déterminer si un enfant à naître peut faire l’objet d’une protection accordée à tout être humain ou à toute personne indépendamment de sa capacité à actionner la norme. Peut-on jouir du droit sans en disposer ?

Personne humaine et personnalité juridique. Il semble évident que l’apparition de la notion de personnalité juridique a vidé la notion juridique de personne de sa référence à l’humanité des êtres puisque le terme personne désigne juridiquement des êtres humains ainsi que des groupes. Dès lors, si l’on veut distinguer l’être fait d’os et de chair, on a recours, le plus souvent, à l’expression personne physique et non personne humaine. En effet, la référence à la personne humaine renvoie aux qualités intrinsèques de l’être sans référence à la personnalité juridique. Comme le remarque Mme Bertrand-Mirkovic, « si l’esclavage aujourd’hui existait encore, on dirait des esclaves qu’ils ne sont pas des personnes juridiques et, par conséquent, pas des personnes physiques (au sens juridique du terme) mais qu’ils sont des personnes humaines, qualité qui n’est pas attribuée par le droit »[55]. La proximité terminologique tenant au fait que les deux expressions contiennent le terme « personne » explique sans doute les confusions menant à assimiler ce qui relève de l’humanité et ce qui dépend d’une reconnaissance juridique. Ainsi, concernant le fœtus, on affirmera que le fœtus n’est pas une personne car il n’a pas de personnalité juridique et que comme il n’est pas une personne, l’atteinte à sa vie ne relève pas des atteintes à la personne humaine.

Il est vrai qu’il peut sembler délicat, a priori, de reconnaître un statut juridique à la personne humaine à côté de la personnalité juridique. Le masque de la personnalité n’a été inventé que pour permettre à certains êtres d’intervenir sur la scène du droit. Dans la mesure où la personnalité n’est pas limitée à un cadre aussi restrictif que celui posé par le droit civil[56], sans doute est-il intéressant de se pencher sur la nécessité de découvrir en dehors de la personnalité des « existants juridiques ». Jusqu’à une époque récente, les seuls individus pour lesquels la qualité de personne était intéressante étaient également titulaires de la personnalité juridique. Dès lors, l’occasion d’invoquer au profit des enfants à naître les règles protectrices de la personne humaine ne se présentait pas. Leur statut était réglé par quelques règles particulières : en droit pénal, la répression de l’avortement protégeait leur vie, en droit civil la règle infans conceptus pro nato habetur leurs intérêts : « On a donc pris l’habitude de se contenter d’une notion juridique de personne entendue comme désignant l’être humain sujet de droit »[57]. Toutefois en assimilant le sujet de droit à l’être pourvu de la personnalité juridique, l’on en est venu à exclure de la scène juridique les êtres auxquels on refuse classiquement une telle qualité.

Cette orientation suffit à régler la situation juridique de l’enfant conçu qui plus tard naîtra vivant et viable. Elle est cependant impuissante à l’égard de l’enfant conçu qui ne naîtra malheureusement pas, ou qui ne naîtra pas vivant et viable[58].

Le sujet de droit. Demogue a au début du siècle dernier tenté de conceptualiser un sujet de droit nettement distinct de la personnalité juridique en ce sens qu’il désirait en faire un outil, une simple technique servant des intérêts que le droit désire protéger. Selon lui, « le droit a pour mission de protéger un intérêt et non une volonté »[59]. Or, l’on va voir que cette théorie ancienne cadre, aussi étrange que cela puisse paraître, très bien avec les destinataires des normes pénales actuelles. C’est ainsi au regard de l’intérêt protégé qu’il conviendra de s’interroger sur la nécessité, l’opportunité, de concéder à une entité la qualité de sujet de doit afin qu’elle puisse jouir du droit : « plus un intérêt ou un groupe d’intérêts nous semble digne d’être protégé, plus, dans certains cas, il sera utile de les ériger en patrimoines indépendants à titre de sujets de droit, ou de centres d’intérêts, pour employer une expression qui désigne un cas de demi-personnalité »[60].

Demogue rappelle que l’aptitude à jouir caractérise le sujet de droit. Le rôle de la volonté est alors second : elle est exercée par celui qui jouit ou par autrui à la place du sujet. Ihering a sensiblement développé la même théorie : « le véritable ayant droit est celui qui peut prétendre, non à vouloir, mais à profiter [….] Le sujet du droit, c’est celui auquel la loi destine l’utilité du droit, le destinataire ; la mission du droit n’est autre que de lui garantir cette utilité »[61] ; puisque la sûreté juridique de la jouissance est la base du principe du droit [l]es droits sont des intérêts juridiquement protégés »[62].

Dans la mesure où il est très difficile de déterminer une liste étroite des personnes ayant intérêt à ce qu’un droit se réalise, il est évident qu’il faut y apporter une limite : « pour être sujet d’un droit, il faut que la loi vous destine l’utilité du droit »[63]. Le but du droit étant la satisfaction et le plaisir, Demogue en arrive à la conclusion que « tout être vivant qui a des facultés émotionnelles, et lui seul, est apte à être sujet de droit, que la raison lui manque de façon définitive ou temporaire. L’enfant, le fou curable ou incurable peuvent être sujets de droit car ils peuvent souffrir. L’animal même peut l’être, il peut se trouver bénéficiaire d’un legs, ayant comme nous des réactions psychiques ou agréables »[64] ; sont donc exclus les choses, « les objets inanimés qui sont incapables de souffrir »[65] Toutefois, s’il reste possible de dresser une liste assez longue des sujets de jouissance, le sujet de disposition[66]ne peut que faire l’objet d’une conception plus limitée. Il ne peut comprendre que les personnes aptes à faire raisonnablement des actes juridiques : « Il se renferme dans le cercle des personnes appartenant à l’humanité raisonnable »[67].

Conséquences pratiques. La première incidence de la théorie des sujets de droit telle que développée par Demogue est qu’« il n’y pas de raison de limiter cette catégorie aux humains en vie : l’idée de protéger la mémoire, l’honneur ou la dignité des morts peut certes procéder d’une « solidarité entre ceux qui ont été et ce que nous sommes »[68], par une idée « spiritualiste de survivance, par une réaction de notre sensibilité ». Néanmoins, la théorie du sujet de droit semble plus à même de valider une telle protection car c’est reconnaître que « les morts sont des demi-personnes juridiques »[69].

Partant du postulat moral que l’humanité actuelle doit travailler pour l’humanité future, il convient selon Demogue d’admettre que « techniquement les sujets de droit doivent comprendre autant et  plus de personnes à naître que de vivants »[70]. En définitive, à suivre Demogue, tout est alors une question de droit puis d’action. Il s’agit juste de déterminer qui peut intenter une action afin de protéger les sujets du droit et leurs intérêts. Si le sujet a la personnalité juridique, alors le sujet de jouissance est également un sujet de disposition. Si ce n’est pas le cas, il conviendra d’instituer un représentant afin que l’atteinte à l’intérêt protégé par le droit objectif puisse faire l’objet d’une sanction.

A la lecture de Demogue, l’on comprend mieux, non comment fonctionne le droit civil, mais surtout comment est construit le droit pénal. En effet, le droit pénal protège pêle-mêle, on l’a vu, les personnes, l’espèce humaine, lé génome, les choses, les animaux dotés d’ores-et-déjà de sensibilité par le code rural et les biens. Ces destinataires du droit pénal objectif ne sont pas tous dotés de la personnalité juridique. Et pourtant une action, l’action publique, existe afin de protéger leur intérêt juridique, et ce qu’il existe ou non une action civile reconnue ou attribuée à une personne précise. Or, si l’on suit Demogue jusqu’au bout de sa pensée, il est clair qu’il ne propose rien de moins que la disparition de la personnalité juridique au profit du simple sujet de droit.

B – L’abandon ?

La personne-entité.  En suivant la logique initiée par Demogue et qu’un auteur tel que Gérard Farjat[71] a tenté de développer en droit de l’entreprise, il semble qu’il y ait la place pour une alternative. Le droit de la concurrence et le droit des marchés financiers en attestent. Il n’est pas étonnant, que la Cour de justice des communautés européennes ait affirmé que « dans le contexte du droit de la concurrence la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »[72]. Plus précisément, « si l’entreprise qui a commis l’infraction est absorbée par un autre producteur, sa responsabilité peut la suivre et être rattachée à l’entité nouvelle ou fusionnée. (…). Le facteur déterminant est la continuité économique et fonctionnelle qui existe entre l’entreprise qui a commis l’infraction à l’origine et celle dans laquelle elle a fusionné« [73]. Le Conseil de la concurrence et la Cour d’appel de Paris ont par la suite validé unetelle pratique[74]

L’idée d’une responsabilité sans réelle personnalité juridique est également possible en droit boursier. En effet, l’article 611-1 du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit que le livre relatif aux abus de marché (manquement d’initié et manipulation de marché) « s’applique à : 1° Toute personne physique ou morale ou toute entité ». L’emploi du terme entité a évidemment comme objectif de faire échec à l’absence de personnalité juridique ou à sa disparition en vue de trouver un responsable à qui imputer la sanction. L’on sait que parfois la loi peut attribuer le paiement de l’amende prononcée à une personne autre que celle qui l’a commise : il en va ainsi, entre autres, en matière de coordination des transports (art. L. 121-1 c. route) ou encore en cas de pollution marine.

L’on pourrait a minima inventer un procédé équivalent en cas de disparition juridique de la personne morale poursuivie. La personne physique auteur des infractions pour le compte de la société dissoute engagerait sa responsabilité personnelle, mais le paiement de l’amende alors prononcée pourrait être mise au compte de la société absorbante. Mais à l’instar de ces droits para-pénaux, l’on pourrait imaginer qu’au nom du groupe, de la continuité de l’entreprise, la société absorbante soit poursuivie et condamnée en lieu et place de la société absorbée. La personnalité de la responsabilité serait a priori affectée, mais seulement en apparence puisque la continuité économique chère au droit de la concurrence permettrait d’identifier au sein de la nouvelle structure une identité de personne et de pratique propre à garantir la personnalité. En consacrant la notion d’entité, l’on permettrait même aux autorités de poursuite de concentrer leurs efforts sur ceux qui sont responsables de l’ingénierie délinquante avec la solidité financière du groupe pour assumer le paiement de l’amende.

Conclusion : Au terme de cette intervention, une question mérite d’être posée : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? A l’issue de ma thèse il y a une demi-décennie, il me semblait que la problématique était d’une importance considérable et que, la fin justifiant les moyens, il convenait de faire tout ou presque pour que les enfants à naître soient les destinataires du droit pénal. La légalité, l’interprétation stricte, et la présomption d’innocence au fond, ne sont-elles pas toutefois des obstacles que tout pénaliste se doit de ne jamais franchir ? Bref, le sujet de droit et l’entité sont-ils des concepts fongibles en droit pénal.

La summa divisio personnes/choses n’est-elle pas une tradition plus légitime que la volonté de réduire les incohérences de la chambre criminelle ? Pour y répondre, relisons… Gaius, puisqu’il est selon nos mythologies, l’auteur de la summa divisio. Ses Institutes(en réalité des fragments…) se retrouvent facilement sur la toile, ce qui permet de constater que :

1 – Le défaut de personnalité juridique n’a jamais conféré au maître le droit de vie et de mort sur ses esclaves. Le meurtre d’un esclave reste un meurtre selon lui (il met hors de cause le maître en cas d’homicide involontaire…)[75]. L’on peut donc être une personne, reconnue par le droit pénal, une victime d’un homicide, sans être doté de la personnalité. Et c’est l’inventeur de la summa divisio (ou à tout le moins son conteur) qui le soutient !

2 – La summa divisio ne s’est jamais limitée à deux catégories.

Il s’agit en réalité d’un rapport à trois : « Omne jus quo utimur, vel ad personas pertinet vel ad res ved ad actiones ». « Tout notre droit (dit Gaius) se rapporte soit aux personnes, soit aux choses, soit aux actions ». Les enfants à naître ne sont incontestablement pas des choses… et peut-être pas des êtres dotés de la personnalité juridique. Mais en suivant Gaius, n’est-il pas temps d’adjoindre à l’article 16 du code civil proclamant la protection de l’être humain dès le commencement de sa vie une action permettant de rendre cette protection effective toutes les fois où la loi ne l’exclut pas expressément.

L’on sait que le tribunal de Tarbes[76], à la demande du prévenu, s’est engagé le 4 février dernier sur cette voie assez courageusement en voulant, je cite, dépasser les « prises de positions purement doctrinales ».

Loin de moi l’idée de critiquer cette décision au fond. Néanmoins qu’il soit permis d’observer que sur cette problématique, la jurisprudence n’a jamais dépassé la doctrine.

 

 

[1] J. Mouly, « Du prétendu homicide de l’enfant à naître », RSC 2005, p. 47.

[2] Voir notamment : D. Vigneau, L’enfant à naître, Thèse, Toulouse, 1988 ; X. Labbée, La condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort, préf. J.-J. Taisne, Presses universitaires de Lille, 1990 ; R. Andorno, La distinction juridique entre les personnes et les choses à l’épreuve des procréations artificielles, Thèse Paris XII, LGDJ, 1996 ; N. Massager, Les droits de l’enfant à naître,  Bruxelles, Bruylant, 1997 ; A. Bertrand-Mirkovic, La notion de personne, PUAM 2003 ; E. Dhonte-Isnard, L’embryon humain in vitro et le droit, préf. O. Moreteau et Rubellin-Devichi, L’Harmattan 2004, Coll. Ethique médicale.

[3] V. Ph. Malaurie, « L’homme, être juridique (à propos des projets de lois sur la bioéthique) », D. 1994, p. 97. Cette absence de prise en considération de l’humanité de l’embryon sonnerait pour l’auteur « le crépuscule des dieux ».

[4] Il convient de remarquer que la question ne revient pas à se demander qui peut invoquer le texte (capacité d’exercice) mais qui est concerné par ledit texte (destinataire). En effet, ce n’est pas parce qu’une entité ne peut invoquer un texte que pour autant elle n’est pas protégée : ainsi en est-il des animaux ne disposant d’aucune capacité mais faisant l’objet de protections juridiques. Le problème va ainsi être de déterminer si un enfant à naître peut faire l’objet d’une protection accordée à tout être humain ou à toute personne indépendamment de sa capacité à actionner la norme. Peut-on jouir du droit sans en disposer ?

[5] B. Teyssié, Droit civil  – Les personnes, 10ème éd. Lexis Nexis, 2007, n° 10, p. 13.

[6] F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – Les personnes – La famille – Les incapacités, Précis Dalloz, 7ème éd., 2005, n° 8, p.7.

[7] F. Terré et D. Fenouillet, op. cit. n° 15, p. 17.

[8] F. Terré et D. Fenouillet, op. cit. n°  15, p. 17.

[9] Ch. Larroumet, Droit civil – Introduction à l’étude du droit, Tome 1, 5ème éd., Economica 2006, n° 318, p. 198.

[10] Ch. Larroumet, op. cit. n° 319, p. 199.

[11] F. Terré et D. Fenouillet, op. cit. n° 20, p. 22.

[12] H. et L. Mazeaud, J., F. Chabas, Leçons de droit civil – Les personnes, La personne, Les incapacités, 8ème éd. par F. Laroche-Gisserot, 1997, tome 1, vol. 2, n° 441, p. 8.

[13] Modifié par ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, anciennement 311-4 C. civ.

[14] F. Laroche-Gisserot, op. cit. n° 443, p.9.

[15] Madame Laroche-Gisserot précise alors : « pour naître vivant, il suffit que l’enfant ait respiré. La preuve en est facilement faite par la présence d’air sans ses poumons. Pour naître viable, l’enfant doit être constitué de telle manière qu’il puisse vivre ; il doit avoir les organes essentiels à l’existence. Ce qui peut donner lieu à des difficultés et à des expertises délicates. Il serait préférable de présumer que l’enfant qui a vécu était viable sauf à permettre la preuve contraire ». L’auteur concède alors : « les conditions ont un intérêt pratique sur le plan successoral » . (Idem).

[16] F. Laroche-Gisserot, op. cit. n° 443, p. 9.

[17] La Cour de cassation en fait un principe général du droit ; il peut donc être étendu à des situations autres que les donations et successions. En matière de capital-décès : « si les conditions d’application du contrat d’assurance décès doivent être appréciées au moment de la réalisation du risque, la détermination des enfants à charge vivant au foyer, doit être faite en se conformant aux principes généraux du droit, spécialement à celui d’après lequel l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt, étant observé que la majoration du capital-décès, lorsqu’il existe des enfants à charge, est destinée à faciliter l’entretien de ces enfants » : Civ. 1re, 10 déc. 1985 : Bull. civ. I, n°339 ; D. 1987, p. 449, note G. Paire ; Def., 1986, p. 668, obs. A. Breton.

En matière de rente due à un accident du travail : Ch. Réunies, 8 mars 1939, DC 1941, 137, note Julliot de la Morandière, S 1941, 1, 25, note Battiffol. Le législateur a même prévu que l’enfant non encore conçu pouvait profiter d’un contrat d’assurance sur la vie (art. L. 132-8 al. 3 C. assurances). V

[18] Civ. 2ème, 6 février 2008, 3 arrêts (arrêt n°128, pourvoi n° 06-16.498 ; arrêt n° 129, pourvoi n° 06-16.499 ; et  arrêt n° 130, pourvoi n° 06-16.500) : D. 2008. AJ. 483, obs. Guiomard, Pan. 1371, obs. Granet-Lambrechts, Pan. 1435, obs. Galloux et Gaumont-Prat, et Chron. C. cass. 638, obs. Chauvin et Creton, p. 862, note Roujou de Boubée G., Vigneau D., et l’éditorial de Félix Rome « Lorsque l’enfant paraît », p. 681 ; RTD civ. p. 268, note Hauser ; AJ fam. 2008. 165, obs. Chénedé ; AJDA 2008. 280 ; JCP 2008. II. 10045, note Loiseau ; Dr fam. 2008, mars 2008, Alerte n° 22, obs. Lamarche ; ibid. Comm. n° 34, obs. Murat ; Defrénois 2008. 38753, note Massip ; Dict. perm. « Bioéthique et biotechnologies », bull. mensuel n° 179, févr. 2008, Repère, par Binet ; RJPF 2008, n° 4, p. 13, par F. Sauvage ; LPA, 1er avril 2008 n° 66, p. 8, note Latina M.,

[19] X. Pin, « La privatisation du procès pénal », RSC 2002, n° 2, avril-juin, p. 245-261.

[20] En matière d’infraction à la loi sur la presse (article 48 de la loi du 29 juillet 1881), de propriété industrielle (article L. 623-33 du code de la propriété intellectuelle), de chasse sur le terrain d’autrui (article L. 428-33 du code rural), de délit commis à l’étranger par un Français ou sur un Français (article 113-8 du code pénal), d’atteinte à l’intimité de la vie privée (articles 226-1 et 226-2 du code pénal).

[21] Voir Ph. Bonfils, L’ action civile : essai sur la nature juridique d’une institution, préf. S. Cimamonti, PUAM, 2000.

[22] Voir C. Puigelier, « Depuis Louis XIV. A propos du statut juridique de l’embryon et du fœtus », Mélanges Bouloc,  Les droits & le droit, Dalloz 2006, p. 923 s. ; A. Lepage et P. Maistre du Chambon, « Les paradoxes de la protection pénale de la vie humaine », ibid. p. 613 s.

[23] CA Lyon 13 mars 1997 : JCP 1997, G. II. 22955, note G. Fauré ; Droit pénal 1997, chronique n° 22 de C. Puigelier, « L’homicide involontaire sur un fœtus » ; D. 1997, p. 557, note E. Serverin ; Def. 1997, art. 36578, note P. Malaurie ; Jacquinot, « L’éthique du vivant », Gaz. Pal. 1997, II, doctrine, p. 1389 ; C. Byk, « L’embryon jurisprudentiel », Gaz. Pal. 1997, doctrine, p. 1391 ; P. Murat, « Réflexion sur la personne humaine/personne juridique », Dr. famille 1997, chron. n° 9.

[24] Suivant lequel « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi».

[25] Dans sa rédaction résultant de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994, aux termes duquel « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

[26] Crim. 30 juin 1999 : Bull. crim., n° 174 ; D. 1999, p. 710, note D. Vigneau ; Def. 1999, p. 1048, note P. Malaurie ; Rev. sc. crim. 1999, p. 813, obs. Y. Mayaud ; Rev. gén. dr. méd. 1999, n° 2, p. 5, note C. Daver, « L’interruption involontaire de grossesse sur un fœtus de cinq mois et demi ne constitue pas un homicide involontaire » ; Dr. fam. 1999, n° 12, chr. 20, D. Rebut, « La loi pénale est d’interprétation stricte » ; LPA, 17 novembre 1999, note F. Debove ; Médecine et Droit, avril 2000, n° 41, p. 10, note F. Lesaulnier, « De la protection pénale de l’être humain en gestation » ; Médecine et Droit, mai-juin 2000, n° 42, p. 18, obs. L. Demont ; JCP 2000, I, 235, chr. droit pénal et procédure pénale par A. Maron, J.H. Robert et M. Veron ; M.-L. Rassat, « La victime des infractions contre les personnes après l’arrêt de la chambre criminelle du 30 juin 1999 », Dr. pén. 2000, chr. n° 12.

[27] Crim. 19 août 1997, inédit, pourvoi n° 96-82648, Juris-Data n°1997-003862.

[28] « La cour d’appel énonce, par motifs propres et adoptés, que celui-ci a sous estimé la situation obstétricale à haut risque dont il avait la charge et n’a pas su en déceler l’évolution dramatique, alors que la situation clinique et l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal lui fournissaient des indications sans équivoque et dénuées de toutes difficultés d’interprétation » ; en outre, « elle ajoute que son départ de la clinique, sans motif particulier d’urgence, et l’absence de toutes consignes données à la sage-femme, ont été les causes d’une perte de temps fatale à l’enfant, puis à la mère ; qu’il existe un lien de causalité entre la conjugaison d’inattentions et d’imprudences imputables au praticien et la survenance du double homicide involontaire ». Or, « l’enfant présentant un rythme cardiaque très ralenti et la mère une gêne respiratoire importante, l’opération [la césarienne] a été pratiquée tardivement et a entraîné la naissance d’un enfant mort-né et le décès de la mère par embolie amniotique ». La Cour en conclut : « qu’en l’état de ces motifs, qui procèdent de l’appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis au débat contradictoire au vu desquels ils ont estimé, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction, qu’il existait un lien de causalité certain entre les fautes du prévenu et le décès des victimes, la cour d’appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ».

[29] « Constitue un homicide involontaire, l’atteinte involontaire à la vie de l’enfant porté à terme de la grossesse, que la femme était sur le point de mettre au monde, dont rien ne permet de douter qu’il serait né viable et dont le décès est survenu dans les instants précédant immédiatement la délivrance par césarienne, en l’espèce imprudemment retardée par le prévenu médecin accoucheur ». Est donc coupable d’un double homicide involontaire le médecin gynécologue qui « a commis une succession d’imprudences et d’inattentions en sous-estimant la situation obstétricale à haut risque dont il avait la charge alors que la situation clinique et l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal lui fournissaient pourtant des indications sans équivoque et dénuées de toute interprétation quant à l’urgence de procéder à une intervention césarienne, son départ de la clinique sans prendre de dispositions particulières après amnioscopie de sa patiente étant très révélateur de son absence de prise en compte de l’évolution de la situation qui est à l’origine du décès de la mère et de l’enfant ».

CA Bordeaux, 20 mars 1996, Juris-Data n°1996-045257 ; arrêt confirmatif du jugement rendu par le tribunal correctionnel  de Bergerac le 4 juillet 1995

[30] CA Metz 3 septembre 1998, précit. supra n° 321.

[31] J. Sainte-Rose, conclusions, P. Sargos, rapport, JCP G, II, 10569.

[32] Cass. ass. plén., 29 juin 2001 :  Bull. crim. n° 165 ; BICC 2001, n° 540, concl. Sainte-Rose, et rapp. Sargos ; D. 2001. 2917, note Y. Mayaud ; JCP 2001. II. 10569, rapp. P. Sargos, concl. Sainte-Rose, et note Rassat ; ibid. 2002. I. 101, n°21, obs. Murat ; Gaz. Pal. 2001. 2. 1456, note Bonneau ; ibid. 2002. 1. 85, concl. Sainte-Rose ; ibid. 2002. 2. 998, note S. Monnier ; Dr. pénal 2001, chron. n° 34, obs. Demont ; RTD civ. 2001. 560, obs. Hauser ; RSC 2002. 97, obs. Bouloc.

[33] Crim. 25 juin 2002 :  Bull. crim. n° 144 ; D. 2002. 3099, note Pradel ; D. 2003. Somm. 660, obs. Planckeel ; JCP 2002. II. 10155, note Rassat ; Dr. pénal 2002. Comm. 93, obs. Véron ; ibid. Chron. 31, concl. Commaret ; R. 2002, p. 525 ; RSC 2003. 91, obs. Bouloc ; ibid. 95, obs. Mayaud.

[34] Crim. 27 juin 2006 : n° 05-83.767 ; D. 2007. p. 399, note S. Mirabail.

[35] Crim. 23 oct. 2001 : Bull. crim. n° 217 ; Dr. pénal 2002. Comm. 27, obs. Véron ; RSC 2002. 102, obs. Bouloc et p. 100 obs. Mayaud ;  Resp. civ. et assur. 2002. Comm. 74 – Crim. 2 déc. 2003 :  Bull. crim. n°230 ; D. 2004. 449, obs. Pradel ; RSC 2004. 348, obs. Mayaud ; JCP 2004. II. 10054, note Rassat ; AJ pénal 2004. 118 ; Dr. pénal 2004. Comm. 18, obs. Véron.  Rejet du pourvoi contre : Versailles, 30 janv. 2003 : RSC 2004. 83, note Mayaud – et Crim. 4 avril 2006, pourvoi n° 05-85845.

[36] Crim. 2 octobre 2007, pourvoi n° 07-81.259, AJ pénal 2008 p. 32, obs. S. Lavric ; RDSS 2008. 67, obs. Hennion-Jacquet ; JCP 2008. II. 10027, note Valette-Ercole ; RSC 2008, p. 337, obs. Y. Mayaud.

[37] CEDH, gde ch., 8 juill. 2004, § 46 : D. 2004, p. 245, note J. Pradel ; JCP G 2005, I, 110, obs. M. Nadaud ; JCP G 2004, act. 379 ; RSC 2005, p. 135, note F. Massias – V. E. Serverin, « Homicide. Réparer ou punir ? L’interruption accidentelle de grossesse devant la Cour européenne des droits de l’homme » : D. 2004, p. 2801. – J. Mouly, « Le prétendu homicide de l’enfant à naître. Défense et illustration de la position de la Cour de cassation » : RSC 2005, p. 47 – P. Murat, « Les frontières du droit à la vie : l’indécision de la Cour européenne des droits de l’homme » : Dr. famille 2004, comm. 194. – M. Levinet, « La dénégation par le juge européen du droit au respect de la vie de l’enfant à naître » : JCP G 2004, II, 10158.

Il convient ici de remarquer que saisie le 20 décembre 1999, la requête fut initialement  attribuée à la troisième section de la Cour ; celle-ci  a décidé le 22 mai 2003 de se dessaisir au profit de la grande Chambre en application de l’article 30 de la Convention de sauvegarde considérant que « l’affaire soulevait une question grave relative à l’interprétation de la Convention » (§ 81).

[38] Marc SEGONDS, « Frauder l’article 121-2 du Code pénal », Droit pénal n° 9, Septembre 2009, étude 18

  1. V. G. Venandet, La responsabilité pénale des personnes morales dans l’avant-projet de Code pénal : RTD com. 1978, p. 731, spécialement p. 739. – M. Delmas-Marty, La responsabilité pénale des groupements : RIP pén. 1980, p. 38.

[39] Cass. crim., 14 déc. 1999 : Bull. crim. 1999, n° 306 ; Bull. Joly 2000, p. 642, § 145, obs. J.-F.Barbièri ; Dr. pén. 2000, comm. 56 ; Rapp. C. cass. 1999, p.432 ; RD imm. 2001, p. 68, note M. Segonds.

[40] V. M. Segonds, précit, n° 5.

[41] Cass. crim., 20 juin 2000 : Bull. crim. 2000, n° 237 ; Bull. Joly 2001, p. 39, obs. C. Mascala ; D. affaires 2001, p. 853, note H. Matsopoulou ; D. 2001, p. 1608, obs. Fortis et Reygrobellet ; D. 2002, p. 1802, obs. Roujou de Boubée ; RTD com. 2000, p. 1024, note B. Bouloc ; JCP E 2001, p. 838, D. Vich-Y-Llado.

[42] Cass. crim., 14 oct. 2003 : Bull. crim. 2003, n° 189 ; D. 2004, somm. p. 318, obs. Roujou de Boubée ; Dr. pén. 2004, comm. 20, obs. M. Véron ; Gaz. Pal. 2004, 2, doctr. p. 2886, obs. Sordino ; Rev. sc. crim. 2004, p. 339, obs. Fortis.

[43] M. SEGONDS, « Frauder l’article 121-2 du Code pénal », Dr. pén. sept. 2009 – n° 9.

[44] Crim. 16 janv. 1986, D. 1986. 265, note critique D. Mayer et C. Gazounaud, note approbative J. Pradel, JCP 1987. II. 20774, note G. Roujou de Boubée, Gaz. Pal. 1986. 1. 377, note J.-P. Doucet, RSC 1986. 839, obs. A. Vitu, et p. 849, obs. G. Levasseur.

[45] Article L214-1 « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

[46] Le code pénal sanctionne les mauvais traitements infligés aux animaux domestiques depuis la loi Grammont du 2 juillet 1850. A l’époque, seuls étaient sanctionnés les mauvais traitements exercés publiquement, ce qui revient à dire qu’il ne s’agissait pas tant de protéger la sensibilité des animaux que celles des hommes témoins d’un tel spectacle. A contrario, il n’était donc pas illicite d’infliger des mauvais traitements à un animal, dans un domicile privé. Cette condition de publicité ne disparaît qu’un siècle plus tard, avec le décret du 7 septembre 1959 qui réprime, cette fois d’une façon générale et sans condition de lieu, les mauvais traitements infligés aux animaux domestiques.

[47] J. Sainte-Rose, « L’enfant à naître : un objet destructible sans destinée humaine ? », JCP G 2004, I, 194, p. 2360. Il conclut : « Qu’il nous soit permis de déplorer que la vie d’un enfant attendu (ce que nous avons tous été), ignorée à présent du droit pénal, soit devenue moins importante que celle d’un caniche voire d’un amphibien encore dans l’œuf ou d’une tulipe sauvage et que seule soit pénalement protégée la liberté d’avorter  qui n’est plus fondamentalement remise en cause alors que la liberté de procréer, celle de mettre au monde des enfants et d’assurer le renouvellement des générations, n’est pas jugée digne d’une telle protection ».

[48] C.Sevely, « Réflexions sur l’inhumain et le droit, Le droit en quête d’humanité », RSC 2005, p. 486.

[49] Idem.

[50] L’être humain se trouve alors « réduit à n’être plus qu’un élément interchangeable de ce groupe et, comme tel, rejeté dans son altérité, c’est-à-dire à la fois dans sa singularité d’être unique et dans son égale appartenance à la communauté humaine » : ibidem p. 489

[51] A. Sériaux, « L’humanité au tourniquet de la peine », in Mélanges offerts à Raymond Gassin, PUAM, 2007, p. 320.

[52] A cet effet, M. le professeur Sériaux parle d’humanité intensive en matière de crime contre l’humanité (la spiritualité) et d’humanité extensive au regarde des crimes contre l’espèce humaine (sens biologique) : « L’humanité au tourniquet de la peine », art. précit. p. 321.

[53] P. Egéa, art. précit.

[54] Comme l’a rappelé M. le professeur Descamps, « dans le cadre de la technique du transfert nucléaire, les différences génétiques entre le clone et l’individu qui a fourni son matériel génétique nucléaire pour l’engendrer sont plus grandes que celles qui existent entre deux jumeaux homozygotes (en raison de l’influence du matériel cytoplasmique apporté par l’ovocyte) » : Ph. Descamps, « Enfants clonés, enfants damnés », D. 2004, p. 1819. En effet, l’ADN mitochondrial reste celui de la cellule réceptrice, l’ovocyte énucléé. V. J.-P. Renard, « Le clonage : une fin ou un moyen », Pour la Science, Novembre 2007, p. 34-40 et P. L. Roubertoux, « Mitochondrial DNA modifies cognition in interaction with the nuclear genome and age in mice », Nature Genetics, 35, 65-69, 1er sept. 2003. Seule la technique relative à la division artificielle de l’embryon emporte identité de matériel génétique.

[55] A. Bertrand-Mirkovic, La notion de personne, PUAM 2004 p. 23. Cette approche est confirmée par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 8 février 1839 affirmant : « en tout cas, la loi organique du 24 avril 1833, et l’ordonnance royale du 4 août, même année, ont formellement rangé les esclaves dans la classe des personnes, et leur ont reconnu un état civil », Sirey 1839.613.

[56] V. 328 et s., spéc. n° 339.

[57] Ibidem p. 25.

[58] M. Labée ose alors poser la question : « Faut-il accepter que les êtres humains soient protégés à un autre titre que celui du droit des personnes, au motif qu’ils ne sont pas encore nés. Notre millénaire peut-il se terminer sur une vision aussi réductrice ? » : X. Labée, note sous TGI Lille, 13 février 1998, D. 1998, p. 177.

[59] R. Demogue, « La notion de sujet de droit (caractères et conséquences) », RTD civ. 1909, p. 615/616.

[60] Ibidem p. 625.

[61] R. von Ihering, Esprit du droit romain, trad. Meulenaere, t. IV, Paris, Marescq, 1886-1903, p. 323.

[62] Idem.

[63] Ibidem p. 620.

[64] Idem.

[65] Ibidem p. 621.

[66] Demogue considère que les sujets de disposition sont partiellement des sujets de jouissance en ce que certains prennent plus de plaisir à gérer les affaires d’autrui que les leurs ; d’où la notion de sujet de disposition jouissance.

[67] Ibidem p. 620.

[68] Ibidem p. 631.

[69] Idem.

[70] Ibidem p. 632.

[71] G. Farjat, « Entre les personnes et les choses, les centres d’intérêt (Prolégomènes pour une recherche) », RTD

civ. 2002, p. 221.

[72] CJCE 23 avr. 1991, « Höffner et Elser », aff. C-41/90, Rec. 1991, p. I-1979-2016.

[73] Comm. CE, déc. n° 89/190/CEE, préc. – Comm. CE, déc. n° 89/191/CEE, préc. – Comm. CE, déc. n° 89/515/CEE, préc. – Comm. CE, déc. n° 94/599/CE, préc. – Comm. CE, déc. n° 94/601/CE, 13 juill. 1994, Carton : Journal Officiel des communautés européennes 19 Septembre 1994 ; Contrats, conc. consom. 1994, comm. 254, obs. L. Vogel ; Europe 1994, comm. 426, obs. L. Idot.

[74] « Les sanctions prévues à l’article L. 464-2 du Code de commerce sont applicables aux entreprises auteurs des pratiques anticoncurrentielles prohibées […], lorsque la personne qui exploitait l’entreprise a cessé d’exister juridiquement avant d’être appelée à en répondre, les pratiques sont imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a été juridiquement transmise, et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle » (CA Paris, 14 janv. 2009, Eurelec).

[75] « Les esclaves sont sous la puissance de leurs mâitres. Cette autorité leur est attribuée chez toutes la nations. Elle ne s’étend pas jusqu’à tuer leurs esclaves ; mais elle leur permet de les châtier. Cependant le maître qui aurait tué par hasard et sans le vouloir son escalve en le châtiant, n’en serait pas puni. Si un esclave s’est rendu coupable d’un crime digne de mort, il dot être traduit devant les juges compétents pour qu’il soit puni » Gaius, Institutes, Livre I, Titre III, 1.

[76] Tribunal correctionnel Tarbes 4 Février 2014 – N° 12021000029 Numéro JurisData : 2014-013013

Est déclaré coupable des chefs d’homicide involontaire et de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l’empire d’un état alcoolique, le prévenu qui à la suite du dépassement de deux véhicules perd le contrôle du sien et fauche une jeune femme enceinte de 30 semaines. Le choc a provoqué le décès in utero du bébé qu’elle portait. Les examens médicaux et l’expertise ont démontré le lien de causalité direct et certain entre le choc et le décès de l’enfant à naître. L’expertise a également relevé que le petit garçon pesait 1.7 kg et qu’il était viable. Dès lors, la réalité de l’atteinte mortelle, du fait de l’auteur de l’accident, portée à l’existence propre d’un foetus de 30 semaines en bonne santé, est attesté par des constatations médicales. D’ailleurs, le prévenu revendique, pour pouvoir se reconstruire, d’être sanctionné non seulement pour l’atteinte à l’intégrité physique de la mère mais aussi pour avoir mis fin à la vie de cet enfant à naître. Le tribunal considère donc que la réalité de cette atteinte mortelle conjuguée aux considérations humaines unanimement partagées, apparaît conforme aux principes juridiques et ne saurait être constestée par des prises de positions purement doctrinales.

 

Nicolas Catelan DPG, Philosophie pénale

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